Texte de la fiche souvenir d’une conférence donnée le 6 juillet à midi, quelques heures avant le 1/4 de finale contre l’Uruguay.

Le premier match de l’équipe de France se déroule le 1er mai 1904 au stade du Vivier d’Oie, sur le terrain du Racing Club de Bruxelles, contre la Belgique devant 1 500 spectateurs pour un score de 3-3. Louis Mesnier est le premier buteur de l’histoire de l’équipe de France. La sélection est faite par l’USFSA, l’Union Française de Sports Athlétiques. La Fédération Internationale de Football Association (FIFA) sera fondée quelques jours plus tard, le 21 mai, à Paris. L’histoire des Bleus est un long voyage où le plus beau a côtoyé le plus triste.

Que d’histoires, que de feuilletons. Que de légendes aussi. On parle de générations Kopa, Platini ou Zidane. Une génération Antoine Griezmann existe-t-elle ? L’héritage est en tout cas aujourd’hui incarné par le sélectionneur Didier Deschamps, capitaine des champions du monde 1998. Cette équipe de France nous ressemble et nous rassemble. Il n’est qu’à constater les audiences extraordinaires : 13 millions pour France-Australie le 16 juin. Ou 6 millions pour le match des anciens de 98 ! Deschamps l’a répété : “Nous ne devons jamais oublier que nous représentons toute une nation, avec des très belles couleurs bleu-blanc-rouge, que nous devons être très fiers de porter. Porter le maillot de son équipe nationale, c’est au-dessus de tout en terme sportif. Cela oblige à des responsabilités de la part de tout le monde.” Bien sûr, la France black-blanc-beur de 98 était un mythe ; mais un mythe utile parce que fédérateur. Tout le monde souhaitait se reconnaitre dans cette équipe parce qu’elle correspondait à une certaine idée de la France. Tous ces jeunes joueurs, issus de toutes les couches et classes de la société, de toutes origines, rassemblés et menés par un entraineur qui ressemblait tant aux instituteurs d’antan… Les mythes sont indispensables à la cohérence des sociétés humaines. Cette équipe de France 98 donnait le sentiment d’aimer la France, c’est aussi pour cela qu’elle fut aimée.

Lucien Laurent et Marcel Langiller à la Coupe du Monde 1930

Au 22 juin 2018, 901 joueurs avaient porté le maillot tricolore. Les Bleus, ce sont 834 matches (408 victoires, 174 nuls et 252 défaites, 1 474 buts marqués et 1 174 encaissés). Plus large victoire : France-Azerbaïdjan, 10-0 en 1995. Plus large défaite : Danemark-France, 17-1 en 1908. Série de victoires : 14 consécutives entre mars 2003 et février 2004. Série de défaites : 12 consécutives entre mars 1908 et mars 1911. Le joueur le plus capé : Lilian Thuram (142). La plus courte sélection : 5 secondes pour Franck Jurietti en 2005. Joueur ayant le plus porté le brassard de capitaine : Hugo Lloris (76). Joueur le plus âgé : Larbi Ben Barek, appelé à 40 ans et 5 mois en 1954. Meilleur buteur : Thierry Henry (51). Meilleur buteur d’une Coupe du monde : Just Fontaine en 1958, 13 buts. Meilleur buteur d’un Euro : Michel Platini en 1984, 9 buts. 1000ème but : Emmanuel Petit face au Brésil en finale 98. Lucien Laurent marque le tout premier but de l’histoire du Mondial, en 1930, contre le Mexique. Le premier joueur noir sélectionné en équipe de France de football est Raoul Diagne en 1931.

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La mythologie du football forge sa propre histoire. Celle-ci ne se réduit pas au strict bilan comptable. Elle intègre ce qui échappe aux statistiques, l’élément émotionnel. Ainsi, pour l’équipe de France, le parcours suédois de 1958 est souvent qualifié “d’épopée”. Un match nul peut être glorifié à l’égal des plus belles victoires comme un 0-0 en Italie en 1937 grâce au gardien Laurent Di Lorto, imbattable. Son défenseur, Etienne Mattler, jouera tout le match avec les ligaments de la cheville arrachés ! Certaines victoires restent dans la mémoire : France-Brésil, en Coupe du monde 1986, à Guadalajara. Certaines défaites sont aussitôt oubliées, d’autres pleurées comme de véritables Waterloo : France-Allemagne, à Séville, en Coupe du monde 1982. Marqué par le choc entre Battiston et Schumacher et par une accumulation d’injustices, ce match, l’un des plus beaux et cruels de l’histoire du football, est entré dans la mémoire collective des Français.

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Le numéro 10, un mythe français. Le jeu à la française, c’est à la fois un style et une promesse: rien de grand ne peut se faire sans un meneur de jeu aux allures d’homme providentiel. Le numéro 10 français est unique au monde parce qu’il est central, même lorsqu’il n’existe pas ! Notre destin dans les phases finales est constamment lié à un grand joueur : Kopa “le Napoléon du football”, Michel Platini “Le père-la-victoire” ou Zinedine Zidane, dont les traits ornent l’Arc de Triomphe un soir de victoire en Coupe du monde (“Zidane Président”) incarnent cette version à crampons de ce mythe très français.

Sélectionneur, à ce titre employé-phare de la Fédération, est un poste stratégique, jalousé, où chaque décision est scrutée, commentée, disséquée. La pression médiatique est puissante. Le job peut sembler ingrat car on est jugé sur les résultats avec les joueurs sous la main le temps unique des rassemblements. Le patron de l’équipe nationale a aussi la responsabilité de son staff. Celui de Deschamps compte un adjoint, un entraîneur des gardiens, un préparateur physique, deux spécialistes de la vidéo, un chef de presse, un médecin, un ostéopathe, quatre kinésithérapeutes, un cuisinier et un officier de sécurité. Une vraie petite PME. DD est davantage un manager, un patron d’entreprise sachant motiver ses troupes, communiquer, imposer son autorité, transmettre sa culture de la gagne. Deschamps a battu contre l’Argentine le record de matches (80) à la tête de l’équipe de France, détenu jusqu’ici par Domenech.

Arnaud Ramsay, journaliste sportif et écrivain, culture&sens 2018.

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