Le thé, c’est quoi ?

Originaire de Chine, le thé est consommé depuis plus de cinq mille ans. Au fil des aléas d’une histoire qui reflète les conquêtes et les conflits des empires et des nations, il est devenu la boisson la plus bue au monde après l’eau. Il est apprécié pour sa culture, son goût, ses propriétés médicinales, voire métaphysiques.

S’il est presque impossible de dater avec exactitude le début de la consommation du thé, une histoire persiste. En Chine encore de nos jours, on a coutume de boire de l’eau chaude pour s’assurer qu’elle soit saine. La tradition vient d’un des trois augustes ou héros de la mythologie chinoise, Shennong, qui recommandait de toujours bouillir l’eau vers 2737 avant JC. Ce dernier, inventeur de la médecine chinoise, de l’agriculture, patron des médecins et auteur du premier traité de phytothérapie, aurait constaté les vertus médicinales et stimulantes de feuilles tombées par hasard dans sa tasse d’eau chaude alors qu’il était assis sous un théier. Dans les faits, une première trace écrite témoigne de la mise en culture du thé, auparavant sauvage, au IVème siècle. Les tout premiers théiers auraient été trouvés dans une région du sud-ouest de la Chine, la province du Yunnan, à la frontière avec la Birmanie et le Cambodge. Même si d’autres régions prétendent le contraire vu le coût et le prestige des thés rares provenant d’arbres anciens, c’est dans cette même province, dans la forêt de Menghai, que se trouvent les plus vieux théiers (1800 ans), et même, dans le district du Fengqing, où a été découvert récemment un arbre de 3750 ans.

Qu’il soit noir, vert ou blanc, le thé vient d’une seule et même espèce, le camilla sinensis (littéralement « camélia chinois ») dont on trouve trois variétés : sinensis (Chine), assamica (Inde) et cambodia (Cambodge). En 1823, le Major écossais Bruce découvre en effet un théier indigène en Inde, à Assam, lequel sera à l’origine des premières plantations en 1840, le thé étant auparavant cultivé dans les forêts ou de façon artisanale par les fermiers chinois. Reste que, depuis le début du XVIIème siècle, l’Empire britannique en a fait un commerce, remplissant ainsi les bateaux vidés de leurs cargaisons de tissus. Face aux réticences de la Chine et sa politique protectionniste, les Britanniques ont recours à la vente d’opium qui mènera aux célèbres guerres de l’opium (1839 puis 1860) indissociables de l’histoire du thé. Mais la plus fameuse stratégie britannique demeure sans doute celle du voyage du botaniste écossais Robert Fortune qu’on surnomme le voleur de thé. Il a en effet ramené de Chine, lors de sa mission secrète pour la British East India Company en 1838, plus de 20 000 théiers ainsi que des cultivateurs compétents. C’est certainement grâce à cet espion qu’une majorité du thé consommé en Occident vient d’Inde.

Opium Wars 28Les meilleures conditions climatiques pour la culture du thé se trouvent entre le 41ème  parallèle nord et le 32ème sud, regroupant donc les principaux producteurs : Chine, Japon, Corée, Inde, Népal, Sri Lanka, Indonésie, Afrique et Amérique latine. Aujourd’hui de façon surprenante, et bien que la Chine soit devenu un pays industrialisé, la majorité de la production demeure encore artisanale, la taille moyenne des exploitations dans le monde étant d’un hectare. Le thé consommé en Occident provient, lui, presque uniquement des grandes plantations des pays qui ont industrialisé la culture du thé depuis le XIXème siècle (Népal, Inde, Sri Lanka etc. jusqu’au Kenya devenu il y a peu le troisième producteur de thé au monde après l’Inde et la Chine). Au Japon, la culture du thé, présente depuis le IXème siècle, est également industrialisée depuis la fin d l’ère Meiji. En Inde, dès 1930, on a recours à la multiplication de variétés clonales, appelés les cultivars (“cultivated variety”) pour s’assurer les meilleurs rendements aux moindres coûts.

À la cueillette, souvent assurée par des femmes quand elle n’est pas mécanique, succèdent les étapes de manufacture : flétrissage, roulage, oxydation, séchage puis, dans certains cas, torréfaction. Les européens du XVIIème siècle pensaient que chaque couleur de thé venait d’un arbre différent alors qu’elles sont dues aux différents degrés d’oxydation (et non de fermentation puisque seuls les Pu-erh du Yunnan et les très rares thés jaunes sont fermentés). L’oxydation est complète pour le thé noir, partielle pour le thé oolong, très légère pour le thé blanc et il n’y en a aucune pour le thé vert. L’infusion diffère pour chaque thé tout comme la température de l’eau : 90° à 95° pour le noir, 65° à 85° pour le vert et 80° pour les oolongs. Pour ces derniers, il est nécessaire de multiplier les infusions pour en apprécier toutes les saveurs.

AuManoirDesAromesplantationthIndeAvant que le sachet soit inventé par accident aux Etats-Unis en 1903, l’infusion des feuilles dans l’eau a connu bien des étapes et n’est pratiquée que depuis la dynastie Ming au XIVème siècle en Chine. Auparavant, le thé était présenté sous forme de galettes (c’est encore le cas pour le Pu-erh), faciles à transporter et que l’on effritait et mélangeait avec des épices, des fleurs et autres plantes médicinales. L’invention du Earl Grey par le célèbre comte anglais mettant une rondelle de bergamote dans sa tasse, ou bien la mode depuis 1970 en France des thés aromatisés aux fruits, en sont donc des rappels. Quant au thé en poudre disparu de la Chine ancienne, il réapparait au Japon dès le IXème siècle, par l’intermédiaire des moines zen faisant du matcha le cœur de la fameuse cérémonie du thé (cha-no-yu), achevant de consacrer le thé comme la boisson méditative par excellence.

 



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