Il y a 560 parutions à l’occasion de cette rentrée littéraire, un peu plus compacte que la précédente (589), qui s’annonce très “ouverte”. Aucun scandale en vue mais aucune parution exceptionnelle non plus. Des noms vous sont familiers, voire trop familiers. D’autres méritent que vous feuilletiez ou achetiez et lisiez. Vous ne pourrez tout lire, alors retenez quelques titres et surtout ce que les pages renferment. Voici quelques propositions, voire quelques idées de cadeau pour ne pas sombrer dans la facilité du Goncourt sous le sapin à l’approche de la dernière ligne droite avant Noël. Ce sont les coups de cœur de notre critique littéraire, Norbert Czarny. Il les attribue début septembre pour animer cette conférence qu’il donne et redonne chaque année chez nombre de nos clients.

Les coups de cœur

Histoire du lion Personne (Stéphane Audeguy, Fiction & Cie Le Seuil). Au temps des Lumières, entre 1786 et 1796 ont vécu deux amis singuliers : un lion et un chien. Le premier, trouvé dans la savane, avait perdu sa mère. Le second, fruit d’une rencontre à Saint-Louis du Sénégal était l’un des animaux de compagnie de Pelletan, représentant de la monarchie dans ce comptoir. Les deux animaux ont été expédiés en France. Fable, conte, récit documenté, ce roman ne parle pas que d’animaux…

eric-vuillard14 juillet (Eric Vuillard, Actes Sud). Comment nait un jour mythique ? Et quand débute-t-il ? On pense que la Révolution est née lors de la prise de la Bastille. L’auteur montre les prémices de l’évènement et met en scène ses acteurs principaux, les anonymes, les sans grades et jusque là sans nom qui constituent le peuple de Paris. Un récit emporté et coloré, écrit dans une langue savoureuse, pleine de sève.
Continuer (Laurent Mauvignier, Editions de Minuit). Un voyage vers des terres lointaines peut-il ramener des êtres à une vie heureuse ? Les réparer, pour reprendre la métaphore de Tchékhov ? Sybille, le croit. Samuel, son fils, est ce compagnon qu’il faut sauver. En même temps qu’elle, dont l’existence ne tient pas les promesses qu’on pouvait en attendre. Les vastes espaces du Kirghizistan qu’ils traverseront à cheval peuvent être le lieu d’une réconciliation.

Légende (Sylvain Prudhomme, L’arbalète Gallimard). La Crau, entre Arles et la Camargue est une plaine peuplée… de brebis, de moutons et de bergers. Nel est fils et petit-fils de berger. Matt est son meilleur ami. Tous deux retrouvent un bar discothèque qui a connu ses heures de gloire dans les années 80. La “Chou” était en effet un point de ralliement. Et parmi ceux qui y faisaient la fête, deux frères, deux “papillons” ou deux “sauvages”, Fabien et Christian. Leur histoire est celle d’une époque pleine de vie et d’enthousiasme, d’excès avant que vienne le temps de la peur.

Beckomberga – Ode à ma famille (Sara Stridsberg, traduit du suédois par J-B Coursaud, Gallimard). Jacky, narratrice, rend très souvent visite à Jim, son père, qui fait de fréquents séjours dans l’asile psychiatrique de Beckomberga, près de Stockholm. Il n’a jamais trouvé sa stabilité et sa mélancolie le rend inapte à une existence ordinaire. Cette fragilité fait aussi sa grandeur. Ce roman qui met en scène des êtres en marge, est fait d’éclats, d’instants lumineux et douloureux, toujours aériens, par la grâce de l’écriture. C’est aussi l’histoire d’une institution à la suédoise, désormais abandonnée.

Comme l’ombre qui s’en va (Antonio Muñoz Molina, Le Seuil). Ville singulière, un peu anachronique, rêveuse, Lisbonne est au cœur de ce roman. Dans la capitale portugaise se sont croisées deux ombres : celle de James Earl Ray et celle de l’écrivain Muñoz Molina qui raconte la brève existence du premier nommé. C’était entre le 8 et le 17 mai 1968, Ray avait assassiné Martin Luther King, le 4 avril précédent, à Memphis.

eric-fayeEclipses japonaises (Éric Faye, Le Seuil). En 1977-78, de mystérieuses disparitions se produisent sur la côte japonaise. A la même époque, le régime tyrannique de Corée du Nord se trouve aux abois et veut déstabiliser son voisin du sud, qui prépare les J.O. Et pour ce faire, ses services secrets ont besoin former ses agents, d’en faire de vrais japonais, pour détourner l’attention de la planète. Pour celles et ceux qui auront longtemps vécu à Pyongyang, une fois la crise passée, le retour sera difficile.

Judas (Amos Oz, Gallimard). “L’histoire se déroule en hiver, entre fin 1959 et début 1960. On y parle d’une erreur, de désir, d’un amour malheureux et d’une question théologique inexpliquée.” Ainsi débute Judas, roman qui se déroule à Jérusalem, ce qui n’est jamais un mince détail. C’est l’histoire de Shmuel Asch, un homme jeune un peu égaré, qui tient compagnie à Gershom Wald un vieil érudit, dans une maison également habitée par Atilia Abravanel, belle femme à la fois aussi séduisante que mystérieuse. Il est souvent question de trahisons, diverses.

Cela mérite le détour

Laëtitia (Ivan Jablonka, Le Seuil). Il ne s’agit pas d’un roman, encore moins d’une fiction. L’auteur, historien de formation, a beaucoup travaillé sur les enfants placés dans des institutions, séparés des leurs, quand ils avaient encore une famille. Il revient sur un fait divers devenu affaire d’Etat, quand le Président de la République, en 2011, a fustigé les carences de la justice. Au départ, l’enlèvement et le meurtre de la jeune Laëtitia Perrais, par Tony Meilhon, une brute cocaïnomane. Un récit pour donner parole aux femmes, pour montrer aussi ce que le fait-divers nous apprend de la France d’aujourd’hui.

La sainte famille (Florence Seyvos, L’Olivier). Quelques moments dans la vie de deux enfants, bientôt adultes, dans et autour d’une maison au bord d’un lac. Bien des chambres sont fermés et les secrets ou mystères incitent davantage à rêver ou imaginer, que ce que l’on voit. Un roman tout en finesse et en grâce, sous le signe d’Ariane et du labyrinthe dont elle connaît les détours.

Nous n’avons pas encore lu mais nous aimerions lire

Le dernier voyage de Soutine (Ralph Dutli, Le bruit du temps). Deux remords de Claude Monet (Michel Bernard, La Table ronde). Le roman égyptien (Orly Castel Bloom, Actes sud). Librairies, Itinéraires d’une passion (Jorge Carrion, Le Seuil). La cheffe, roman d’une cuisinière  (Marie N’Diaye, Gallimard).



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