Avec plus de 600 constituants (certains affirment que le vin peut en contenir jusqu’à 1000 !), dont presque 200 fixes et près de 500 volatils, le vin est une boisson d’une rare complexité et d’une très grande variabilité, du fait de son origine biologique et de sa transformation par la fermentation alcoolique. Il existe mille et une façons d’influencer le « goût » d’un vin, son aspect, sa robe, son bouquet, son acidité, sa rondeur ou sa force.
Le premier paramètre est évidemment le choix du ou des cépages utilisés. Durant les milliers d’années de production viti-vinicole, les paysans ont sélectionné et adapté la vigne à leurs conditions climatiques (température, précocité du printemps, vent, humidité,…) et bien sûr à leur goût. Il existe aujourd’hui près de 5000 cépages dans le monde dont près de 200 toujours cultivés en France. On associe bien souvent des arômes aux différents cépages : le gamay évoque les fruits rouges, le gewürztraminer la rose ou le litchi, la syrah le poivre… Mais un même cépage s’exprimera très différemment dans des milieux variés : une syrah australienne n’aura pas grand-chose à voir avec un Saint-Joseph, et un inconditionnel des chardonnays californiens pourrait être perplexe devant un vin de Chablis. L’environnement joue un rôle primordial, tout comme le vigneron qui peut exacerber ou modérer les expressions d’un même cépage par les choix qu’il prend dans sa vigne ou dans son chai.
La culture et la taille de vigne vont eux aussi influencer le produit final. Les vignes poussant dans des sols pauvres et bien drainés feront des vins plus fins que dans des sols riches et profonds. Les différents types de taille (en Guyot, en cordon de Royat, en gobelet…) ainsi que la hauteur de la taille et le travail du sol influenceront directement le volume de production ainsi que la concentration du jus en sucre et en aromes. C’est un peu paradoxal mais le plus souvent, moins le vigneron produit en quantité et meilleure sera la qualité.
La fermentation du jus de raisin est certainement l’étape la plus complexe et la plus déterminante dans l’élaboration d’un vin. Les levures naturellement présentes sur la peau des raisins (la pruine) prennent le dessus sur les autres microorganismes et commencent à consommer le sucre du jus de raisin le transformant en alcool et en gaz carbonique. Lors de cette fermentation, de très nombreux composés aromatiques sont produits par les levures. A l’issue de cette fermentation, le vin a déjà acquis la majeure partie son « caractère » et ses arômes principaux. Les autres opérations, la fermentation malo-lactique et l’élevage, ne feront principalement qu’affiner, adoucir, arrondir, enrichir et lier ces arômes.
Les premiers chasseurs-cueilleurs du paléolithique qui récoltaient les petites baies de vigne sauvage à la fin de l’été ont inévitablement cherché à stocker et conserver, d’une façon ou d’une autre, ces baies sucrées arrivant toutes ensemble à maturité en grande quantité. Ainsi ont dû naître les premiers « vins », qui au regard des standards actuels seraient plutôt considérés comme du vinaigre.
Les archéologues s’accordent à établir que la « culture du vin » a débuté dans la période comprise en -8000 et -4000, c’est-à-dire au Néolithique, dans les montagnes du Proche-Orient. C’est dans cette région que ce fait le passage de la vigne sauvage qui se développait sur les arbres à la vigne cultivée et multipliée : vitis vinifera qui est utilisée encore aujourd’hui par nos vignerons. Des dépôts d’acide tartrique retrouvés dans des fragments de jarre, dans le nord de l’Iran, et datant de cette époque, témoignent des premières traces de « vinification » du raisin. La culture associée au vin naît aussi à cette époque avec les premières céramiques et calices à usage religieux dédiées au vin. Rapidement sa culture et sa consommation vont s’étendre dans toute la Méditerranée et le Moyen-Orient jusqu’en Chine.
Si aujourd’hui un vin « piqué », « aigre » ou « abimé » est l’exception et si nous disposons d’une très grande diversité de productions (blancs, rouges, rosés, pétillants ou tranquilles, doux, secs, cuits, liquoreux…), il n’en a pas toujours été ainsi. N’allez pas imaginer que les romains ou les égyptiens buvaient des grands crus. Ce qu’ils consommaient serait certainement jugé « imbuvable » aujourd’hui. Les vins produits étaient principalement des blancs et des rosés devant titrer entre 6° et 8° avec beaucoup de volatils et peu de couleur. On coupait d’ailleurs le vin avec de l’eau (« mettre de l’eau dans son vin ») et on y ajoutait sel, poivre, épices, miel et résines afin de le rendre meilleur et plus digeste.
Depuis les premiers « vins » de l’humanité, près de 10 000 ans de recherche, de commerce et de culture ont amené ce jus de fruit fermenté à ce qu’il est devenu aujourd’hui. Le choix et la sélection des cépages, les microclimats identifiés pour implanter la vigne, les techniques de culture et de taille, les techniques de vinification et d’élevage ainsi que les techniques de conditionnement, de conservation et de transport, ont constamment progressé tout au long des siècles. Boisson des rois et des nobles chez les égyptiens, boisson des dieux chez les grec et les romains, sang versé par le Christ chez les chrétiens, le vin a acquis une place à part dans la grande famille des productions agricoles. A la fois synonyme d’ivresse, de plaisir et de gastronomie, le vin s’est vu prêter mille vertus et mille défauts tout au long des âges. Source de mythes, de romans et de poèmes, intimement lié à ne nombreuses pratiques religieuses et spirituelles, le vin est un étrange mélange de chimie, de biologie et de culture. A ce titre et au regard de la complexité du vin, on peut en conclure que, oui, le vigneron est un magicien et qu’il a appris à l’être au cours des siècles.
Des idées de loisirs
A lire : Histoire de la vigne et du vin en France, R. Dion, CNRS Ets. Petite encyclopédie du vin, A. Lebègue, Dunod.
A consulter : www.archeologie-vin.inrap.fr, le site consacré au vin de l’Institut National de Recherches Archéologiques Préventives. http://www.le-vin-pas-a-pas.com/ et http://www.eccevino.com/fr/, sites marchands mais au contenu riche.