Censé s’étaler entre le Ve et le XVe siècle de notre ère, de la chute de l’Empire romain d’Occident à la découverte de l’Amérique, des premiers royaumes “barbares”, mais chrétiens, à la chute de l’Empire byzantin, le Moyen Age est une période sans nom. Défini par défaut par les humanistes des XVIe et XVIIe siècles, comme un âge intermédiaire (c’est le sens du mot latin medium aevum), le Moyen Age est fondamentalement un âge moyen, situé entre ces deux âges d’or fantasmés en Europe que sont l’Antiquité et la Renaissance (en tant que re-naissance de la culture classique antique). “Le Moyen Age est né du mépris” : la formule, de l’historien Bernard Guenée, résume ainsi la genèse contrariée d’une période historique qui n’en est pas vraiment une.

La définition du Moyen Age est donc fondamentalement morale : le terme désigne tout ce qui relève de l’archaïsme tout en désignant, par nécessité chronologique, l’orée du monde moderne. Sur la base de ce préjugé hérité, les historiens ont bâti depuis le XIXe siècle, un Moyen Age cohérent, et qui a tendance à se refermer sur lui-même. Saisi et analysé comme une longue période de maturation et de gestation, le Moyen Age est pour finir chargé de rendre compte des fondements de la “civilisation”. On peut ainsi, pêle-mêle s’amuser à décrire les contours de cette vaste entité historique “occidentale”, depuis la lente christianisation de l’Europe jusqu’à la mise en place des hiérarchies sociales, notamment à travers la féodalité, en passant par la structuration des paysages ruraux, ou encore la fondation et le développement des principales villes contemporaines, l’essor du commerce international et l’invention de l’économie de marché, en n’oubliant pas enfin la progressive naissance de l’Etat ou la formation des identités nationales et linguistiques.

La situation du Moyen Age est donc fondamentalement paradoxale : si l’Antiquité représente l’origine idéalisée des valeurs morales, démocratiques et intellectuelles du monde actuel, la période médiévale est bien son antichambre réelle. Laboratoire confus et désordonné d’une histoire qui n’est toujours pas achevée, le Moyen Age peut ainsi faire l’objet des projections imaginaires contradictoires : à la fois trop loin et si proche, il suscite un sentiment mêlé de terreur et d’émerveillement, que le cinéma et la littérature illustrent sans cesse, de Notre-Dame de Paris au Da Vinci Code, en passant par Le Nom de la Rose, au point d’inspirer des cinéastes aussi différent que Ridley Scott et Eric Rohmer.



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1 Commentaire

  • On a longtemps cru que l’histoire littéraire du Moyen Âge reflètait les idées et les sensibilités d’un temps révolu. Selon cette croyance le Moyen Âge ne détenait pas les clés rationnelles de l’univers. La perspective de rationnaliser le Moyen Âge est née de l’envie de le comparer aux siècles suivants.cet enjeu a aboutit à une dévalorisation de ses matériaux. En effet,à côté d’un M.A représenté par l’obscurantisme,les autres siècles ceux de La Lumière. Cependant,un examen recent a montré que cette période singulière peut permettre de lire et de comprendre les enjeux de l’histoire,de la littérature française.cette période est donc originale en ce sens qu’elle aborde tous les problèmes liés à l’éclosion d’une littérature particulière qui recouvre plusieurs siècles.