Ils sont sur les tables des libraires depuis le 19 août, voire avant pour certains. Ils sont tirés à 3 000 ou à 120 000 exemplaires, ils seront en tout 701 à paraître d’ici octobre : ce sont les romans de la rentrée ! Beaucoup seront oubliés, certains seront surexposés, d’autres, plus rares, resteront dans les mémoires. Oublions les chiffres et essayons d’y voir plus clair à travers 4 rubriques tout à fait subjectives.
Littérature
Dans le monde littéraire, l’évocation d’Harry Potter suscite souvent l’agacement. Voilà une œuvre située aux antipodes des valeurs établies en matière de littérature, soutenue par des intérêts clairement mercantiles, qui, en moins de dix ans, est arrivée au sommet d’une gloire planétaire et d’une réussite financière en tous points extraordinaire (à ce jour, l’heptalogie de Joanne Kathleen Rowling s’est vendue à plus de 400 millions d’exemplaires et a été traduite en 67 langues).
Nous avons eu la chance d’intervenir pour la Mairie du XIème arrondissement dans le cadre de l’opération nationale « Lire en Fête » sur le sujet « Comment Proust peut-il changer votre vie ? ». Cela s’est déroulé le 10 octobre 2008 à la Bibliothèque Parmentier.
Quand paraît en novembre 1913 À la recherche du temps perdu. Du côté de chez Swann, personne, ou presque, ne connaît Marcel Proust, qui a d’ailleurs essuyé le refus de plusieurs éditeurs et publie son roman chez Grasset à compte d’auteur. La presse est très hostile, et le critique du Mercure de France écrit alors : “J’ai commencé le livre avec enthousiasme, puis j’ai fini par le laisser tomber avec effroi, comme on refuserait de boire un soporifique.” On reproche à Proust d’être long, ennuyeux, mondain. Pourtant, six ans plus tard, en 1919, À l’ombre des jeunes filles en fleurs reçoit le Prix Goncourt et annonce une reconnaissance qui ne cessera de croître. Traduite dans le monde entier, l’oeuvre de Proust est aujourd’hui considérée comme un monument de la littérature française, véritable “cathédrale du temps”.
Rares sont les hommes à avoir une aura aussi grande que Shakespeare dans notre société. Proche en cela du statut que possédait Homère pour les grecs anciens, il représente l’artiste éternel dans toute sa splendeur. Le mythe Shakespeare a toutefois ceci de gênant qu’il nous cache à la fois l’artiste, sa vie et le contexte historique dans lequel elle s’est déroulée, et son œuvre, prétexte à admiration plus que véritable objet de spectacle. Qui lit aujourd’hui Roméo et Juliette, mis à part les écoliers anglo-saxons pour qui la scène du balcon est un passage tout aussi obligé que pour les nôtres la mort de Gavroche ? C’est beaucoup plus par ses adaptations modernes que le plus illustre auteur de la littérature mondiale est approché. Il semble dès lors utile de revenir au “vrai” Shakespeare, tout en se demandant quelles sont les causes d’un tel fanatisme à son propos.
Avec plus de 13 millions de volumes imprimés, la Bibliothèque nationale de France (BnF) se situe parmi les plus riches du monde (29 millions pour “Library of Congress” à Washington et 25 millions pour la “British Library” à Londres). Son établissement au bord de la Seine est le dernier avatar architectural d’une institution dont les origines formelles, en France, remontent au XVIIe siècle. Si la Révolution française, par la confiscation des biens ecclésiastiques, a véritablement créé les conditions d’un enrichissement massif, c’est la monarchie qui a institué le “dépôt légal”, dont les principes furent posés dès 1537, sous François Ier, mais dont le fonctionnement date du règne de Louis XIV. En imposant à tous les imprimeurs situés sur le territoire national, le dépôt obligatoire de leur production, la Bibliothèque du roi est parvenue à se constituer en centre d’archivage de l’édition française. L’idée même de bibliothèque est toutefois bien plus ancienne.