Dès 8h, certains sont souriants, alertes et de bonne humeur ; ils font du café, s’agitent, lisent leurs mails, bref, ils sont très éveillés… D’autres, au contraire, essaient, après plusieurs tentatives, de se lever péniblement pour arriver au bureau avant 9h ; d’une humeur souvent massacrante, ils se précipitent sur la machine à café pour pouvoir affronter la “matinalité” des premiers ! Il nous est tous arrivé un jour ou l’autre de nous être senti “agressé” par quelqu’un très en forme, le matin ou le soir, alors que nous ne pensions qu’à dormir. Pourquoi une telle différence entre les gens du matin et les gens du soir ?

Mais commençons par définir ce que sont le matin et le soir. Le matin est la première partie du jour, comprise entre minuit et midi ou encore entre le lever du jour et midi. N’est pas considérée comme matinale, la personne qui se couche à 2h du matin. En revanche, celle qui se lève à 2h est très matinale ! La définition du soir est nettement plus diffuse : le dictionnaire définit le soir comme le dernier moment du jour ou encore la dernière partie de la journée, succédant à l’après midi et précédent le matin (en principe de seize ou dix sept heures à minuit). Est vespéral (du soir), la personne qui se couche régulièrement après minuit. On peut alors se demander pourquoi certaines personnes tiennent bon et profitent de leur soirée alors que d’autres s’écroulent aux alentours de 22h. Le rythme circadien apporte un premier élément de réponse (circadien vient du latin circa qui signifie environ et diem qui signifie jour, circadien signifiant donc “presque un jour”).

Être “du matin” ou “du soir” est lié à une différence entre deux processus cognitifs du cerveau, le rythme circadien et le processus homéostatique. Toutes nos fonctions biologiques, digestives, rénales, respiratoires, nerveuses, endocriniennes, etc., obéissent à des rythmes. Ceux-ci peuvent s’établir sur une période théoriquement égale à un jour (24 heures), ils sont alors dits circadiens. Ces rythmes biologiques peuvent être plus courts (ultradiens) ou plus longs (infradiens). Les rythmes circadiens, endogènes, sont produits par des horloges biologiques, qualifiées elles aussi de circadiennes.  Ils régulent les phases d’éveil et de sommeil : ils s’accroissent jusqu’à une certaine heure (phase d’éveil) pour décroître pendant la journée.  Parallèlement aux rythmes circadiens, on trouve la pression du sommeil qui ne fait que s’accroître durant la journée (c’est le pocessus homéostatique).

En conséquence, plus l’écart entre le rythme circadien et la pression du sommeil est forte, plus on est dans une phase d’éveil donc en forme. En revanche, plus l’écart est faible, plus on a envie d’aller se coucher. Le moment où on est le plus en forme (l’acrophase) varie donc selon les personnes : l’acrophase des matinaux est au plus tard vers 15h/16h alors que celle des vespéraux est aux alentours de 19h. Mais alors, connaissant notre horloge interne (=rythme circadien) et notre acrophase, pourquoi ne la respectons-nous pas pour être toujours en forme ?

Plusieurs éléments perturbent le rythme circadien. Une exposition nocturne à une lumière artificielle en est un. Mais il y a aussi les contingences sociales : comme les éboueurs qui passent à 6h ou encore le voisin qui démarre sa moto à 6h30. D’autres facteurs peuvent venir perturber votre horloge interne : le changement d’heure par exemple ou encore une alimentation riche en graisses qui déclenche un manque de production d’adiponectine ce qui peut entraîner un manque de sommeil. Notez d’ailleurs que la prise de 3 plats au déjeuner génère une baisse de performance égale à la privation d’une nuit de sommeil. En résumé, nous avons à peu près tous le même rythme circadien, qui est environ de 24h, et, la journée avançant, le sommeil se manigfeste de plus en plus. Mais alors, si nous avons tous cette même opposition entre ces deux processus, d’où vient la différence entre quelqu’un du matin et quelqu’un du soir ?

Trois facteurs principaux expliquent cette différence individuelle. On naît ainsi. Cette dimension matin/soir relève de l’héréditaire et est donc habituellement fixe chez un individu : si vous êtes du matin, vous le resterez probablement. Des études ont même révélé un point surprenant : le mois de naissance aurait une influence. Les personnes du soir seraient plutôt nées en mars-avril, et les matinaux seraient plutôt nés en septembre-octobre. La durée du jour pendant la grossesse ou la période périnatale en serait la cause. L’âge : c’est hormonal ! L’adolescence, phase de vie où l’activité hormonale est importante, fait d’une personne un vespéral alors qu’à partir de 50 ans, on devient plutôt du matin. Le sommeil : il suit, lui, un cycle ultradien. Environ une heure avant que l’on ouvre les yeux, un premier réveil interne déclenche la sécrétion d’une hormone, le cortisol, qui va entraîner l’augmentation de la concentration de sucre dans le sang. Progressivement, la température du corps, sous l’effet de cet apport d’énergie, va augmenter. Le cerveau va changer de rythme. Le corps va envoyer des signaux de faim, et l’horloge alimentaire se manifeste à son tour. En l’absence de réveil externe, nous allons ouvrir les yeux à la fin du 4è, 5è, ou 6è cycle de 90 à 110 minutes de sommeil. Mais chacun sait qu’il y a de gros et de petits dormeurs et plus on avance dans la vie, moins le besoin de sommeil est important.

Les principaux enjeux de ces différences biologiques, sociales et individuelles entre les gens du matin sont au nombre de deux. Les performances scolaires et professionnelles : le système scolaire (voire professionnel) n’est pas adapté pour les gens du soir. Des chercheurs en chronopsychologie montrent que les emplois du temps qui commencent à 8h sont contre productifs pour les gens du soir mais parfaitement bien adaptés aux gens du matin. D’autres ont d’ailleurs montré que les étudiants du matin réussissent mieux leurs études que ceux du soir ! Le business : Nuit des musées, matinées au théâtre, émissions télévisées, radiophoniques à minuit ou à 5h, presse gratuite du matin (avec un contenu très fort en texte) ou du soir (avec un contenu important en images), etc, il semblerait que les entreprises fassent de la tendance à être du matin/du soir une véritable variable de segmentation.